La Cabane
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Fea
Fea
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[EVENT] Atelier écriture Empty [EVENT] Atelier écriture

Dim 18 Aoû - 17:18
La Cabane lance plusieurs ateliers pour rassembler les artistes !


Participez ici à notre atelier écriture. Chaque dimanche un nouveau thème est dévoilé. Vous avez à chaque fois une semaine pour écrire votre texte, dans la langue de votre choix. Le thème ne vous inspire pas ? Vous n'avez pas le temps ? Retentez la semaine prochaine. Le but est de se réunir et de s'amuser. 

Pas de consigne (sauf celles précisées dans le sujet de la semaine), écrivez juste ce que ce thème vous évoque. Pas besoin non plus de s'inscrire, vous pouvez nous rejoindre à tout moment. N'oubliez pas de partager vos oeuvres sur le topic et le discord !

Merci de votre contribution !





Thème de la semaine : Nuit Blanche






Thèmes passés : 

  • Semaine 1 : Portrait.
  • Semaine 2 : J'aurais aimé être...


Dernière édition par Fea le Dim 8 Sep - 21:56, édité 2 fois
Loup
Loup
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Mer 21 Aoû - 1:03
Réputation du message : 100% (4 votes)
Il y avait cette dame, qui vivait à côté de chez mes grand-parents, dont la maison demeure un mystère. Son immense jardin, si tant est qu’il soit réellement immense si l’on tient compte du fait que je faisais à peine 1m10 et que tout devait me sembler gigantesque, était la seule partie accessible de celle-ci, puisque elle nous confiait les clefs de celui-ci pour que nous l’entretenions tandis qu’elle s’absentait. Un immense potager en pleine banlieue parisienne, où se remplaçaient les saisons : de beaux fruits en été, d’énormes citrouilles en automne, et un cerisier qui semblait renaître et mourir continuellement.
Pourtant, malgré tout, le mystère autour de sa maison reste entier. Grande, ressemblant trait pour trait à un chalet, je n’en ai jamais vu l’intérieur mais je me souviens qu’à mes yeux, elle était un véritable portrait de celle qui vivait en ces lieux. Énigmatique, attirant l’œil, cette femme était d’une douceur mesurée et extrêmement polie, et n’avait pas son pareil pour expliquer la botanique à quiconque. D’elle, je n’ai de souvenirs que de jardinage, avec son grand chapeau de paille et sa salopette vert bouteille. Elle possédait des cheveux courts, légèrement bouclés, passant du noir au roux comme si elle même était à l’épreuve des saisons.
Je me rappelle qu’un jour, nous annonçant son déménagement prochain, elle a jeté une poignée de graines dans le jardin de mon grand-père, en qui elle voyait un camarade de jeu, en lui disant que quoiqu’il arrive, désormais, il penserait à elle tous les jours. Quelques mois plus tard, il y avait cette plante qui possède des fleurs qui explosent au toucher, et disséminent des graines au sol. Et effectivement, elle proliféra, ce qui rendit difficile de ne plus penser à elle. Et ainsi, à ce jour, le mystère entourant la demeure de cette passionnée de la flore demeure encore - était-elle remplie de plantes destinées aux intérieurs ? Avait-elle des succulentes, des cactus ? Avait-elle un lys royal similaire à celui qu’elle nous avait offert ? Ressemblait-elle seulement à un chalet de l’extérieur, ou était-elle au contraire complètement différente ? Pourquoi cette maison a t-elle continué à survenir dans mes pensées et pas une autre ? Au moins, à cette dernière question, j’ai un semblant de réponse. Parce qu’elle était la parfaite image de sa propriétaire, et que celle-ci a marqué l’enfant qui survit en moi.
Jiji
Jiji
Messages : 22

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Jeu 22 Aoû - 18:22
Réputation du message : 100% (1 vote)
Très joli ! J'aime beaucoup ce portrait brossé à travers la description du jardin. Il y a de belles images autour des saisons.
Le Millon
Le Millon
Messages : 4
https://www.instagram.com/milloncallia/

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Sam 24 Aoû - 18:40
Réputation du message : 100% (5 votes)
Ce soir je vous parlerai d'une femme écorchée. Une femme qui fait en partie part de ce que je suis aujourd'hui. Elle avait la voix grave et rauque de ces femmes qui ont abusé de la clope et de l'alcool un peu trop longtemps, et de long, long cheveux noirs. De long cheveux noirs semblant porter tout le chagrin qu'elle emportait toujours au fond de son cœur. Elle est de ces personnes qui ne supporte pas qu'on lui souhaite un "joyeux" anniversaire, car une semaine avant elle avait perdu son paternel. Elle allait avoir 13 ans.

A partir de ce jour, qu'il pleuve, qu'il vente ou neige, ses dimanches étaient réservés à la visite de ce dernier au cimetière parisien du père Lachaise. En compagnie de sa grande sœur et de son petit frère. Sa sœur qu'elle perdra une année avant ma naissance, son frère un avant la naissance de ma sœur. Une femme déchirée entre la mort et l'amour. Un trop plein de morts, et un trop plein d'amour. L'alcool l'avait vite emportée. A 19 ans, elle choisissait de mettre au monde ma mère, sa mère a elle avait cette ouverture d'esprit pour l'époque, de la laisser décider. Plus tard, et jusqu'a la fin elle dira que ma mère est la plus belle chose qu'elle ait réussi dans sa vie. Elle disait même que c'était la "seule" chose. Ma grand-mère était une grande littéraire, ayant épousé un écrivain, elle avait du mal à se lancer dans l' écriture, elle ressentait beaucoup infériorité par rapport à son talent. Et pourtant, ayant lu certains de ses écrits, je peux vous dire qu'elle en avait tout autant.

Je me souviens, chez elle, dans son appart à Paris, quand ma sœur et moi étions petites : ça sentait toujours ce mélange de bonbons et de tabac. J'adorais ça. Elle avait sur une table en bois, un grand pot en verre, fermé d'un bouchon de liège, rempli de bonbons en tout genre. Rien que pour ma sœur et moi.
Au delà de ces odeurs il y avait aussi ces objets. Cette gigantesque bibliothèque remplie de ses auteurs et figures favoris tels que Françoise Sagan, Maupassant, Colette, Gainsbourg, Renaud, Sigmund and Garfunkel sur la platine...

Un matin de février, quand on m'a annoncé que tu avais quitté ton corps. Je suis partie de la maison pour faire sortir de mon corps tout le chagrin et tout l'amour que j'ai pour toi. Finalement, la grande lampe en bois avec l'abat-jour à fleurs, que j'ai aujourd'hui chez moi, est comme si j'avais un concentré de tout son petit monde à côté de moi et qui restera là pour m'éclairer.
Fea
Fea
Messages : 12

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 25 Aoû - 21:51
Salut à tous et merci pour vos participations ! Voici le nouveau thème pour cette semaine




Thème de la semaine : J'aurais aimé être...



Notes de la personne ayant proposé le thème : "Perso je m'étais interdit les personnes, je parlais d'événements, de sentiments, d'objets etc. Mais là on peut laisser les personnes. Et en gros il s'agit d'expliquer pourquoi tu aurais aimé être tel ou tel truc. Exemples sur le tumblr dédié que j'avais créé : https://jauraisaimeetre.tumblr.com/ "
Vous pouvez suivre ces pistes ou vous réapproprier totalement le thème.

Par ailleurs vous pouvez bien-sûr continuer à poster pour le thème de la semaine dernière, il n'y a pas de date d'expiration.
Moineau
Moineau
Messages : 3

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 25 Aoû - 21:59
Réputation du message : 100% (4 votes)

Ce matin-là, je rentre dans la maison assez épuisée. Je sais ce qui m'attend, et ça ne va pas être facile. J'enlève mes chaussures, pose mes clés. Passe un coup ma main sur mon visage – oh non, je vais me mettre du maquillage partout en faisant ça. Je m'arrête brusquement en espérant limiter les dégâts... Mais je ne vais pas me mentir à moi-même, j'ai très probablement des paillettes plein la figure. Qu'importe.
J'entre dans le salon. J'ai emménagé récemment, alors c'est encombré de cartons, mais au fond, près de la porte-fenêtre, il y a une table hexagonale, avec quelques chaises éparses autour, seul endroit à peu près rangé de la pièce. Je m'écroule sur la chaise la plus proche, et je pose mon sac devant moi. J'entends des petits pas accourir dans ma direction. Pendant que je sors de mon sac une pochette carton, les pas tournent autour de la table avec précipitation. J'aimerais me préparer à la discussion qui va suivre, mais je ne pense pas que je pourrais, même avec dix ans de préparation. La chaise en face de moi est tirée avec difficulté, ses pieds grincent un peu sur le carrelage.
«  T'as pas l'air en forme. »
La voix enfantine est inquiète. Je souris, essayant de ne pas lui montrer toute l'étendue de ma fatigue.
«  J'ai eu beaucoup de choses d'adultes à régler. Tu vas bien, toi ?
- Bof. Ton chat ne veut pas jouer avec moi. » Elle est contrariée.
- Il n'aime pas les gens, » je lui dis pour la calmer. En fait, il est surtout terrifié dès qu'elle s'approche.
Une pause. Elle s'agite. Une vague d'inquiétude me submerge. Des nœuds se forment dans mon estomac.
«  Elle rentre quand, Maman ? »
Toujours cette question. C'est toujours difficile d'y répondre. Je triture mes doigts.
« Pas avant un moment. Elle est très occupée, tu sais. »
Un grognement. « Donc... tu continues à t'occuper de moi ?
- Pour le moment, oui.
- Tant mieux. T'es la seule qui est venue que j'aime bien. »
Je souris faiblement. Il paraît, oui.
« Je t'ai amené quelque chose, aujourd'hui. Tu veux voir ce que c'est ? 
- Oui !» couine-t-elle.
Je sens sa curiosité. D'impatience non contenue, elle tapote ses pieds contre les barreaux de la chaise. J'ouvre la pochette et la lui tends.
« Des photos ! » s'exclame-t-elle. « Comment tu as fait ? Je croyais que Maman les avait emmenées.
- J'ai dû utiliser toute ma persuasion pour les avoir. Je savais qu'elles te feraient plaisir. »
Elle pousse des petits cris de joie. J'avais vu juste...
« Regarde, celle là. C'était Noël il y a deux ans, j'étais toute petite, j'ai eu une voiture de Barbie. Il y a même Mamie qui s'est endormie sur le canapé ! Maman dit qu'il faut pas se moquer parce qu'elle est vieille, mais c'est rigolo qu'elle dorme partout je trouve.
- C'était il y a deux ans ? Mais tu es tellement grande maintenant !
- Oui ! J'ai sept ans ! » déclare-t-elle fièrement.
Sept ans. J'ai beau le savoir, ça me brise le cœur de l'entendre de sa bouche. Je lui demande comment s'est passée sa journée. Elle s'ennuie beaucoup, sans aller à l'école et voir ses amis. Elle n'a aucun autre contact humain que moi, et les animaux la fuient. Ses jouets l'ennuient de plus en plus, sans compagnon de jeu.
Les photos que j'ai dans les mains, celles que je ne lui ai pas données, ont perdu de leurs couleurs, et un peu jauni. Sur certaines photos, elle sourit, des jouets dans les mains. Probablement en train d'inventer des jeux comme elle le fait souvent, ou de leur parler. Sur l'une d'elles, elle est assise par terre sur un tapis, des jouets et des livres d'images éparpillés autour d'elle. Sur d'autres, elle arbore un air renfrogné. Plus rien dans ses mains. Des adultes autour – des photos de plage, de dîner de famille. Les deux dernières photos sont différentes, elle est seule. Personne autour, aucun de ses amis de plastique ou de bois avec elle. Elle est assise sur une chaise trop grande pour elle, face au photographe, qui s'est mis à son niveau. Elle lance un regard terrifé à l'appareil. Sur la seconde, floue, elle détourne le regard et se recroqueville. Je devine la situation.
Je déglutis et cache ces photos. Je ne veux surtout pas qu'elle les voie.
« Ils font quoi les autres maintenant ?
- Quels autres ? » je sursaute.
- Ben tu sais. Ceux qui étaient là avant toi, que Maman voulait qu'ils s'occupent de moi.
- Il y en a beaucoup qui ont déménagé, ils s'occupent d'autres enfants maintenant.
- Même le vieux monsieur ? »
Je sens un poids immense s'abattre sur mon estomac. J'aurais vraiment dû inventer un autre mensonge. Et le ton de sa voix... Je la sens inquiète. Mais clairement, ce n'est pas pour le vieux monsieur.
« Non, pas lui, tu as raison. Il est très vieux, il a besoin de médecins. Alors il est un peu à l'hôpital. »
Elle grogne. Je soupire. Le vieux monsieur en question, c'était l'occupant de la maison avant moi. Il n'aimait pas Célia. Et c'était réciproque. Dans l'espoir de se débarasser d'elle, il avait brûlé les jouets qui lui restaient. Elle était devenue infernale avec lui. Et un jour, où il avait touché une infirmière, la petite fille l'avait poussé dans les escaliers. Ça fait un moment qu'il n'est plus à l'hôpital.
« Ben alors j'espère que les médecins sont très méchants avec lui. »
Pour changer le sujet, je sors de mon sac une peluche. Il ressemble à l'une de celles qu'elle transporte avec elle sur certaines photos : un ours brun tout doux, avec un nœud rose fushia autour du cou, des yeux en boutons et un nez brodé. Mais ce n'est pas le même. Sa fourrure n'est pas élimée, il n'a pas la dizaine de sutures roses (assorties à son joli nœud) d'où son rembourrage sort légèrement, les deux yeux sont assortis. Il n'est pas tout cabossé à force de servir d'oreiller ou d'être trimballé partout, ni tâché de confiture.
« Vu que le vieux monsieur t'a enlevé Framboise, je t'en ai retrouvé un pareil. » Je suis nerveuse. Est-ce qu'il lui plaira ? « Je sais que ce n'est pas le même, mais j'espère qu'il pourra devenir ton ami aussi.
- Je pense que oui... » elle le déplace un peu, semble pensive. « Merci. »
Les pieds de la chaise grincent à nouveau. Des bruits rapides. Je sens des bras froids autour de moi. Le contact me glace. Cette fois, je ne ressens pas le sentiment de terreur habituel. Au contraire, l'impression qui émane d'elle est très chaleureuse. J'essaie de masquer mes larmes. Je ne peux pas vraiment lui rendre son étreinte.
« On est amies ?
- Oui. Et on va habiter ensemble un moment. J'espère que tu seras bien.
- Je suis sûre que oui ! Maman pourra venir nous voir, dis ?
- Bien sûr qu'elle pourra. »
Elle enlève ses bras de moi. Je devine qu'elle bondit de joie, aux sons du parquet. L'ours semble flotter dans les airs. Elle s'éloigne, le fait danser à bout de bras, chante à tue-tête, sans se soucier de sonner juste.

C'est une drôle de colocation qui s'annonce.


Dame Corbeau
Dame Corbeau
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Lun 26 Aoû - 0:30
Réputation du message : 100% (5 votes)
Atelier d'écriture, sujet numéro 1 : le portrait


Une étudiante de lettres

Elle commença à fréquenter l’université dans le courant de novembre, bien après la rentrée. C’était une petite femme potelée, qui sentait la vanille. Sa peau était brune, ses cheveux courts, noirs et crépus et ses joues rebondies ; elle avait de petits yeux en amande, cerclés de lunettes rondes, et une large bouche aux lèvres épaisses, qui ne souriaient pas, ou peu. Un gros casque audio vissé sur les oreilles, elle déambulait dans les couloirs de l’université chaussée de grosses bottines de sécurité noires, arborant un sac usé couvert de badges célébrant la pop-culture et des pulls à capuches aux couleurs vives. Parfois, on pouvait la croiser avachie dans un escalier, dévorant des romans sans se soucier du monde extérieur ou absorbée par son téléphone ; plus rarement, on la voyait discuter avec des étudiants de master, et accepter des cigarettes qu’ils lui donnaient.

Jamais elle n’arriva à l’heure en cours. Jamais. Éternelle retardataire, elle débarquait le plus souvent une demie-heure après tout le monde, ouvrant timidement une porte qui ne manquait jamais de grincer. Se faisant aussi discrète que possible, c’est à dire sous le regard de l’ensemble des étudiants en manque de distraction, trop heureux de pouvoir détourner leur attention de l’enseignement supérieur, elle s’empressait de gagner maladroitement une chaise, si possible à l’écart des autres, et échouait à s’y installer silencieusement. Les professeurs-chercheurs toussaient alors sèchement, moins pour racler leurs gorges savantes, parcheminées par l’effort de l’éducation, que pour ramener à eux leurs disciples dissipés, ignorant diplomatiquement l’interruption intempestive qui la leur avait ravi. Au début, il y en eût bien quelques uns d’assez hargneux pour lui faire des remontrances ; alors, la tête baissée, elle leur avait adressé un « désolée » si inaudible qu’on le devinait plus qu’on ne l’entendait. Et le lendemain, elle arrivait tout aussi en retard que la veille.
Parfois, elle ne venait tout simplement pas. Pendant quelques jours, parfois une semaine ou deux. Interrompant soudain sa séance, un enseignant haussait un sourcil, et demandait si quelqu’un avait des nouvelles de celle qu’ils se plaisaient volontiers à appeler la touriste ; personne n’en avait. Elle n’avait partagé ni son adresse électronique, ni son numéro de téléphone, et en fait, très peu de son temps avec ses collègues. Elle ne se mêlait jamais vraiment aux autres et évitait soigneusement les travaux de groupe ; ses collègues ne se préoccupaient pas vraiment d’elle. Pourtant, elle n’était ni sinistre, ni désagréable ; ceux qui lui avaient parlé dans la promotion l’avaient trouvée au contraire chaleureuse et bienveillante, ne refusant jamais d’aider ceux qui lui demandaient. Mais elle avait l’habitude de se draper dans sa solitude et sa timidité, et ils étaient rare à oser l’y déranger.
Et puis, elle finissait toujours par revenir. Comme ça, sans prévenir, au beau milieu d’une journée et d’un cours. En retard, comme à son habitude.

Malgré son absentéisme, elle semblait n’avoir aucune difficulté à suivre les cours. Si en-dehors, elle communiquait peu, en classe, elle faisait montre d’une participation intense. Souvent, elle se lançait avec un enseignant sur de complexes notions de théorie littéraires, citant à la surprise de ces derniers des auteurs qu’ils n’avaient encore jamais songé à aborder dans leur programme ; elle faisait volontiers des parallèles entre l’histoire littéraire, l’histoire des arts et l’Histoire avec un grand H, domaine dans lequel elle semblait très à son aise ; le très sensuel professeur de littérature et cinéma s’engageait fréquemment avec elle dans des échanges passionnés sur les codes de la narration audiovisuelles ou d’obscures références filmiques, et le professeur d’anglais appréciait pleinement les richesses toutes idiomatiques dont elle pouvait faire preuve ; et à l’agacement de nombres d’étudiants plus rigoureux, plusieurs de ses devoirs furent utilisés comme modèles pour les corrections.

Plus l’année universitaire avançait, plus ses apparitions s’espacèrent. Elle fut de plus en plus absente, sur des périodes de plus en plus longues. Elle ne rendait plus que la moitié des travaux exigés, et participait de moins en moins aux cours, se montrait de moins en moins passionnée dans ses échanges avec les enseignants, de plus en plus solitaire et isolée. Au détour d’un couloir, on surprenait parfois un professeur cherchant à la convaincre de s’investir davantage dans ses études ; elle, la tête baissée, promettait sans trop de convictions qu’elle essayerait.

Elle ne le fit pas. Quand les examens de fin d’année tombèrent, elle ne se présenta pas. Elle avait cessé de venir depuis au moins deux bon mois. Personne ne s’en soucia.
Neyrin.
Neyrin.
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Lun 26 Aoû - 17:31
Réputation du message : 100% (4 votes)
Un portrait dans un miroir 


« Je vais me changer, il fait trop chaud dans ces fringues. »

Elle chût sur son lit. Il abritait une pléthore de vêtements éparpillés ça et là, formant ainsi une curieuse créature qui s’apparentait à une longue chevelure dépeignée. Au beau milieu de ce chaos de textile – composé exclusivement d’affaires de jeune femme –, se trouvait un chandail bleu marine à la coupe masculine. Elle le repoussa jusqu’à son oreiller, et s’empara d’un body noir qui convenait davantage à la température printanière du début d’après-midi.

« J’ai du gras sur le ventre, ça fait petite brioche. Ne regarde pas, s’il te plaît. »

Sur ces mots, elle se libéra de son jean et de son haut dans lequel elle commençait à transpirer. Elle prit soin de déposer le vêtement sur son ventre qui, en effet, abritait un peu de graisse. Ce léger bourrelet était d’autant plus mis en valeur par la culotte rouge où il avait l’air de se sentir à l’étroit.

Je me retournai pour ne pas l’embarrasser davantage, et respecter ce complexe dérisoire qui nous empêchait d’être face à face le temps d’un bref changement de tenue. Ainsi, je me retrouvai face à un grand miroir qui pouvait contenir le reflet d’une personne toute entière. Outre le mien qui n’était pas d’un grand intérêt, le miroir renvoyait aussi celui de la jeune femme derrière moi, installée sur son lit, qui retournait son body noir afin que l’étiquette soit à l’intérieur. Je fis mine de regarder les breloques qui traînaient sur le bureau adjacent pour ne pas éveiller quelque soupçon et, du coin de l’œil, j’observais mon amie se changer.

Jamais encore je n’avais pu la voir ainsi, en sous-vêtements, et cette première fois risquait très certainement d’être la dernière. Je me sentais quelque peu gênée, moi, encore habillée, de m’adonner à pareille observation. Pourtant, mon esprit semblait réticent à l’idée de détacher mon regard du corps féminin qui se mouvait dans ce grand miroir.

Je l’avais toujours admirée. Au fond, sûrement désirais-je lui être semblable, ou du moins lui ressembler intellectuellement en quelques points. Elle avait un visage carré aux traits durs, mais affinés par ses cheveux ondulés qui caressaient ses épaules. Ils arboraient une teinte se rapprochant du châtain, pimentée par de timides reflets blonds. Il fallait être particulièrement attentif pour les remarquer, mais surtout porter une admiration toute particulière à la personne concernée. C’était dans cette minutieuse observation que l’on pouvait démasquer cet amour inavoué que je lui portais.

Outre cela, elle avait toujours des sourcils parfaitement épilés et nets ; jamais elle ne laissait un poil intrusif détruire l’harmonie de son travail. Pourtant, elle estimait nécessaire de les dessiner davantage pour qu’ils soient d’une perfection plus grande encore, sans pour autant qu’ils ne paraissent artificiels.

Toujours à travers le miroir, je dérobais mon regard sur ses yeux. Ils étaient vairons – l’un bleu et l’autre marron –, et il n’y brillait jamais une lueur froide ou désabusée. Le plus souvent, ses yeux parcouraient sans relâche les lignes imprimées des livres, ou bien l’écran de son téléphone dont elle ne se séparait qu’à de rares occasions. Ses lèvres, quant à elles, étaient d’une belle simplicité. Cependant, comme si leur propriétaire ne les trouvait pas à son goût, elle les habillait tous les matins d’un rouge écarlate qui leur donnait une forme pulpeuse, réveillant ainsi une soudaine envie de les dévorer. De plus, lorsqu’elle portait une cigarette à ses lèvres, une trace grasse de rouge teignait le filtre.

Mon amie se redressa. Elle glissa ses jambes dans son vêtement, et enveloppa le haut de son corps à l’intérieur. Il était quelque peu décolleté : on pouvait deviner la naissance de sa petite poitrine potelée. Son regard se porta sur mon reflet dans le miroir, comme si elle cherchait à savoir si je l’observais subrepticement. Honteuse, je fis lamentablement mine de m’intéresser aux ouvrages éparpillés ça et là parmi les feuillets de cours et les crayons Bic. Il y avait une sélection intéressante d’auteurs ; elle appréciait beaucoup la littérature, et ce depuis qu’elle était petite. De fait, c’était une jeune femme particulièrement cultivée qui, à seize ans déjà, savait manier la langue française bien mieux que n’importe qui partageant notre âge.

J’enviais sa culture, son talent et ses résultats remarquables sur ses bulletins scolaires. Quelle chance elle avait d’être ainsi ! Sûrement n’y prêtait-elle pas attention, tant cela faisait partie intégrante d’elle-même. C’était ainsi. Elle était ainsi, et peut-être devait-elle envier d’autres jeunes personnes pour leur intelligence autant que je l’enviais pour ses multiples qualités intellectuelles.

« Tu as lu tous ces bouquins ?

— Une partie, oui, dit-elle. Je relis souvent les mêmes livres, en vérité. En ce moment, je lis Marguerite Duras mais je ne suis pas sûre qu’elle soit sur le bureau. »

J’acquiesçai, puis me retournai. De nouveau, nous étions face à face. Je ne la quittais pas des yeux pour autant, comme si j’étais inassouvie. Mon amie avait fini de se changer ; elle avait revêtu un jean qui se mariait de manière sûre avec la couleur noire de son body. Elle croisa son image dans le miroir, passa brièvement ses doigts dans ses cheveux pour les discipliner, saisit son sac à la volée et fourra un paquet de Benson & Hedges à l’intérieur.

« Bon, j’ai rien mangé… C’est pas grave, j’irai grignoter un truc quelque part. De toute façon, on va bientôt être en retard. Tu viens ? »

Je demeurai immobile au milieu de la chambre. Je n’avais pas envie d'en sortir, car il était peu probable que j’ose y remettre les pieds un jour. Je voulais que mon amie reste dans cette pièce, assise sur son lit, ou installée sur son balcon au soleil à me raconter toutes ses aventures nocturnes avec ses différents partenaires.

« Hm, j’arrive. »
Dame Corbeau
Dame Corbeau
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 1 Sep - 13:35
Réputation du message : 100% (2 votes)
Atelier d'écriture, sujet numéro 2 : j'aurais aimé être


J’aurais aimé être la Mer de la Décomposition. Immensité pourrissante et luxuriante, à la fois tombeau et berceau, j’abriterais en mon sein des cités et des mausolés, noyés par des armées d’arbres en colères et de champignons vénéneux ; et des temples oubliés, et les carcasses titanesques des dieux-guerriers. Je grouillerais d’insectes furieux et de spores mangeurs de chairs, et je me nourrirais de milliers de charognes et de végétation mourante. Dans mes entrailles, les enfants de l’humanité cesseraient de s’entre-dévorer pour faire face à la futilité de leur existence, à l’absurde de leurs prétentions divines, à l’horreur de leur cruauté ; et gorgés d’une humilité douloureuses, peut-être qu’ils trouveraient enfin la paix.
J’aurais aimé être cette enfant affreuse et mortifère du mariage de la Terre et de la Guerre, ignoble fruit de la folie humaine et du miracle de la vie. J’aurais aimé être une constellation de vies fragiles et de cadavres en putréfactions, j'aurais aimé être un cycle éternel de morts et de naissance, j'aurais aimé bruire d'une infinité de souffles et d'un silence pesant.
J’aurais aimé être la conséquence désastreuse de nos erreurs, justice aveugle mais réparatrice, monstruosité sans âme et lueur d’espoir aux relents de poison… J’aurais aimé être la funeste promesse de lendemains verdoyants.
Bil
Bil
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 1 Sep - 16:44
J'ai lu tous vos textes. Vous avez pu insuffler votre caractère alors que le thème est le même. Chaque personne a son style distinct, ses centres d'intérêt, c'est super intéressant de lire votre interprétation du sujet.

Loup >> J'ai particulièrement aimé l'originalité du procédé. Je suis généralement pas très intéressée par les descriptions de décors mais celui-ci était chouette.

Le Millon >> Je sais pas si c'était voulu j'ai l'impression de voir une description de plusieurs femmes et en même temps d'une seule dans ton texte. Je surinterprète ou bien ?

Moineau >> Le flou autour de la situation rend le texte très captivant et la réalisation sur la nature de la petite fille se fait très naturellement. J'aime comment tu as utilisé les sensations de la protagoniste pour compléter la description.

Rox >> Très joli texte bien que la fin brise le cœur ;_; Tu décris bien le cercle vicieux qui guette bon nombres d'étudiant.es. Ton autre texte est beaucoup plus court mais garde la même puissance.

Ney >> Tu as le sens du détail qui permet d'encrer ton récit dans la réalité et tu y parviens sans que cela soit redondant. J'ai bien aimé le passage sur la trace du rouge à lèvres qui reste sur la cigarette, c'est quelque chose que j'ai remarqué à plusieurs reprises dans la vie de tous les jours moi aussi alors que c'est un détail anodin.
Loup
Loup
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 1 Sep - 22:21
Réputation du message : 100% (2 votes)
J'aurais aimé être léger. Au fil des jours, on se sent un peu plus lourd. La sérénité devient une denrée rare, que l'on négocie difficilement avec la vie. Alors on lui troque du temps, des parcelles, un quartier entier de temps. On se voit obligé de renoncer peu à peu soit à l'idée de s'implémenter au programme, soit à celle d'avoir ne serait-ce quelques heures de répit. Aussi, et si peu original que soit cette idée : j'aurais aimé être un enfant. J'aurais voulu être modulable, capable de tout, un émerveillement fait-chair. Une insouciance, une innocence perdue en vieillissant, qui aurait mérité que l'on s'y accroche - d'elle découle une ambition démesurée, créant plus tard artistes et astronautes. 
Enfant, j'étais un garçon calme, élevé par des parents capables de convertir la soif d'apprendre en une énergie malléable. Les heures passées à poser à mon grand-père une série interminable de questions existentielles semblait animer en moi un feu inextinguible duquel celui-ci était capable de puiser d'aussi infinies idées de jeux. Bien au delà d'être simplement mon tuteur, il a aussi longtemps été mon meilleur ami, instigateur de bêtises en chef, prétextant une sortie au musée pour m'emmener à une convention Nintendo ou dans une fête foraine, pas seulement pour moi mais aussi pour lui. 
Avec les années, et malgré d'immenses efforts, il devient difficile parfois pour l'enfant en moi de se manifester, alors même que je voyais mon grand-père tout tenter pour l'invoquer. Chaque jour, lui aussi, sur mon champ de bataille, doit encaisser les désillusions, les colères silencieuses. Parfois même, des explosions. Alors il se cache parfois de moi, de longs moments, comme on se cacherait d'une figure trop lugubre. Et si l'enfant en moi se tient encore prêt malgré tout, c'est parce qu'il a une mission. Construire un havre illusoire avec ses idées farfelues. Il est cette voix dans ma tête qui m'aide à inventer des jeux quand le cœur ne s'y prête pas. C'est ce même enfant qui m'ouvre les yeux sur les choses que je ne vois pas. Il n'est plus moi, mais il est là.
Alors, bien que j'aurais aimé être cet enfant à l'infini, j'aime à penser que je deviendrai ce que j'aimerais être : un adulte qui sait parfois être un enfant qui ne sait pas ce qu'il fait, simplement pour le plaisir de l'inconnu. Quelqu'un qui parle encore la langue de feu, qui s'imagine si souvent ailleurs qu'il finit par y être. Quelqu'un qui sait systématiquement me rappeler que je ne dois pas perdre foi en la fontaine de jouvence.
S'il est vrai que j'ai longtemps pensé que j'aurais aimé demeurer à jamais l'enfant qui demeure en moi, je veux désormais ressembler à celui qui semble souvent parler à travers lui. Mon grand-père.



A la base, je n'avais pas du tout prévu de partir sur cette idée, je voulais quelque chose de moins personnel, et de plus abstrait. Mais c'est en relisant les textes du thème de la semaine d'avant que je me suis dis que ça serait probablement mieux que j'écrive sans me soucier de ça, puisque vous avez tous merveilleusement bien transposé, directement ou non, vos émotions. 

Rox, j'adore ton texte pour cette semaine, je le trouve vraiment très inspiré :)

Moineau
Moineau
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Lun 2 Sep - 12:55
Réputation du message : 100% (1 vote)
Vos textes sont tous magnifiques !

Neyrin, le tien est super triste et mélancolique, et très bien écrit !
Rox, celui de la semaine est super puissant, ça te va bien les burst d'inspiration
+ Mention spéciale au dernier de Loup qui me donne les larmes aux yeux (pas pratique pour écrire). Merci pour avoir partagé ce texte  heart


(Je crois avoir oublié personne, normalement j'ai fait des retours en PV sur les autres textes)

+ merci beaucoup Bil pour ton retour !!! le peu de fois où j'écris je décris trop, j'avais peur de trop en dire d'emblée sur la nature de la petite fille.
Fea
Fea
Messages : 12

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 8 Sep - 21:56
Merci pour vos participations ! Voici le nouveau thème pour cette semaine




Thème de la semaine : Nuit Blanche




Par ailleurs vous pouvez bien-sûr continuer à poster pour les thèmes des semaines précédentes, il n'y a pas de date d'expiration.
Jiji
Jiji
Messages : 22

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Jeu 12 Sep - 20:19
Réputation du message : 100% (2 votes)
Le Millon -> J'ai trouvé ton portrait très joli, de belles descriptions et j'aime bien la manière dont le rapport entre la narratrice et la personne du portrait est dévoilée par morceaux.

Moineau -> C'est sympathique et assez mystérieux, on a envie de savoir comment cette situation s'est créée exactement et d'en apprendre plus sur le lien entre les deux personnages.

Rox -> Beaucoup aimé tes deux textes. Le sujet du premier est très fort, le choix pour le second m'a surprise de prime abord mais tu décris très bien toute l'ambiance et la symbolique autour de ce lieu.

Neyrin -> Très bonne idée, l'utilisation du miroir pour présenter non pas la narratrice mais la personne qu'elle regarde à la dérobée. Tous les petits détails sonnent très juste.

Loup -> Intéressant comme choix de sujet, j'ai bien apprécié la narration.
Neyrin.
Neyrin.
Messages : 2

[EVENT] Atelier écriture Empty Thème « Nuit blanche »

Dim 22 Sep - 16:32
Réputation du message : 100% (2 votes)
Le gardien de ses nuits

Son souffle, lent et particulièrement discret, glissait sur la peau de son partenaire embourbé dans le monde des songes. Ce léger air tiède traduisait la sérénité d’un repos juvénile. Il n’allait pas bien loin ; il s’arrêtait à quelques centimètres de la bouche qui l’avait expulsé, avant d’être de nouveau aspiré. Le partenaire, quant à lui, demeurait parfaitement immobile. La vie semblait avoir quitté son corps tant il était tranquille. Cette scène apaisait quelque peu le séraphin qui, comme à son habitude, était installé sur le flanc du lit. C’est rare, songea-t-il. Qu’elle dorme ainsi avec quelqu’un. Elle a toujours été seule. Il observait les deux dormeurs avec un certain détachement. La voir ainsi — dans les bras d’un autre être humain — ne lui procurait aucun sentiment particulier.

La nuit, il n’avait pas d’autre activité que celle d’attendre. Il devait attendre qu’elle se réveille, qu’elle entame une nouvelle journée comme chaque matin. Il avait calqué son rythme au sien pour qu’il ne puisse pas la manquer ; il ne suivait qu’elle depuis qu’il était descendu du Paradis.

Chose curieuse par ailleurs, car les anges ne pouvaient s’enticher de quelque être humain. Tous les sentiments qui régissaient les esprits terrestres n’étaient plus qu’un lointain souvenir, comme s’ils n’avaient jamais existé. Les anges ne descendaient qu’à de très rares occasions : les hommes étaient d’un ennui tel qu’il ferait fuir l’euphorie perpétuelle de ces êtres d’une autre monde. Pourtant, l’unique fois où le séraphin s’était invité sur Terre par simple indiscrétion, il était tombé sur une fillette d’une grande singularité. Ce fut elle qu’il avait choisi de suivre, poussé par une curiosité étrangère à sa nature même.

Rapidement, il s’était aperçu que plus il suivait la vie de cette fillette, plus son apparence évoluait. Elle n’avait pas tardé à devenir ce que l’on appelait sur Terre une « jeune femme ». Il l’avait appris lorsqu’elle avait éteint ses bougies pour la vingtième fois. Dès lors, comme si son envie s’était révélée derrière la flamme soufflée, il ne put supporter davantage cette distance qui les séparait.

Sa condition d’ange le réduisait à un état fantomatique ; les humains ne pouvaient voir des êtres d’un monde métaphysique, d’autant plus que ceux-ci n’avait aucun moyen de se manifester. Un désir destructeur avait soudainement crû en lui. La nature humaine gangrenait désormais la sienne et il s’abandonnait à un sentiment chaotique et parfaitement nouveau.

« Est-ce que tu peux t’en aller ? » hasarda une voix faible dans l’obscurité.

Elle ne s’était pas endormie. Sûrement avait-elle feint un sommeil doux et réparateur dans l’espoir d’y trouver le repos — sans succès. Sa question avait été directement adressée au partenaire plongé dans une quiétude onirique.

« S’il te plaît », insista-t-elle.

Contre elle, la silhouette longiligne se contorsionna. Ses yeux s’entrouvrirent avec grand-peine, encore clos par la fatigue. Une plainte vint répondre à la jeune femme en proie à l’insomnie. Celle-ci, comme agacée, le tança à coups de petites secousses.

« Qu’est-ce que tu racontes ? marmonna le partenaire. Il est deux heures du matin…

 — Je veux que tu t’en ailles. Même s’il est deux heures.

— Je ne peux pas… Enfin, qu’est-ce qui te prend…

— Il me prend que je veux que tu t’en ailles ! »

Elle avait haussé d’un ton. L’ange en était tout à fait étonné : ce n’était pas chose habituelle chez elle que de hausser la voix au beau milieu de la nuit. Il avait toujours cru que l’apparition de la lune était synonyme de silence et d’accalmie — ce n’était plus le cas. L’autre occupant du lit se releva comme s’il souffrait de rhumatismes. Même redressé, son esprit baignait dans une forme d’état hypnagogique dont il peinait à se libérer.

« Je suppose que je n’ai pas le choix. »

Elle ne dit rien. Elle observa le partenaire se lever puis s’accroupir pour retrouver ses vêtements éparpillés à même le sol. Dans l’obscurité, ils se confondaient avec ceux de la jeune femme. Le séraphin semblait absorbé par la scène qui se présentait à lui. C’était une situation qui lui était là inhabituelle ;  il se questionnait sévèrement sur ce comportement étrange que sa choisie avait adopté.

Rapidement, l’imposteur fut prêt. Il avait revêtu ses habits de la veille, attrapé à la volée son sac à dos mal fermé qui laissait dépasser une bouteille d’eau. Avant de quitter la pièce, il se tourna vers la jeune femme dont le regard s’était soudain empreint d’une terrible tristesse. La flamme fébrile qui dansait habituellement dans ses yeux s’était volatilisée. Cela piqua la curiosité de l’ange ; il commençait néanmoins à se douter que quelque chose de merveilleux allait se produire.

« Je ne sais pas ce qui te prend de me virer de cette manière, lâcha-t-il. Tu es du genre lunatique ? Ou bien tu viens simplement de comprendre que tu ne voulais plus de moi ? »

La concernée demeura interdite. Dans le creux de la nuit, seul son gardien pouvait discerner ses yeux qui brillaient, comme s’ils étaient recouverts d’un voile annonciateur de larmes imminentes. Le partenaire n’avait face à lui qu’une silhouette obscure dont on ne voyait du visage que quelques traits approximatifs.

« Ne réponds pas, tu as raison. Bonne nuit. »

Son ton était brut, marqué d’une colère refoulée. Il quitta la chambre puis l’appartement en claquant la porte, exprimant ainsi sa profonde contrariété. Un grand fracas résonna dans le logement ; il fit vibrer les murs et les esprits troublés. Lorsque le calme fut retombé, un chagrin accablant éclata dans l’intimité de la chambre. L’ange la regardait, toujours installé sur le flanc du lit. Que ressentait-elle ? Que ressentaient les êtres humains lorsque les larmes s’abattaient ainsi sur leurs joues ? Était-ce la « douleur », ce phénomène qu’il avait oublié ?

TW dépression/mort (désolée les jons):
Loup
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Dim 22 Sep - 22:22
Réputation du message : 100% (2 votes)
TW Dépression / Low Self Esteem:
Jiji
Jiji
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Lun 23 Sep - 22:35
Réputation du message : 100% (1 vote)
Très jolis textes ! J'aime beaucoup le point de vue non-humain de ton texte, Neyrin. Et Loup, les mots que tu choisis sont très justes et poétiques.

Le nouveau thème pour les deux semaines à venir, en commun avec l'atelier dessin : Mécanique et Horlogerie
Loup
Loup
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Mer 9 Oct - 23:45
Réputation du message : 100% (1 vote)
Mon cœur est une machine étrange ;
Sablier qui tourne sans cesse,
Tient seul compte de ce qui l'arrange,
Puis, meurtri, sombre dans la détresse.

Ses rouages en branle, extatiques,
Et cette solitude qui le ronge
S'expriment de façon cathartique
- Mon cœur est une machine étrange.

Alors, parfois, j'essaie - maniaque
D'apaiser ses tics et ses tracs
Parce qu'il est une machine étrange.

Faussaire, j'endors cet insomniaque
En étant, d'autres, élégiaque :
mon cœur est une machine étrange.

J'suis parti sur un sonnet, sauf que j'ai changé le système de rimes pour quelque chose de plus "mécanique", basé sur des sons en [t] et [k]. C'était pas facile à faire et c'est pas parfait, mais c'est mon tout premier sonnet alors j'suis content quand même [EVENT] Atelier écriture Dcbf6274f0ce0f393d064a72db2c8913

 "Mécanique et Horlogerie", en partenariat avec Millon  front-fist
Dame Corbeau
Dame Corbeau
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Lun 14 Oct - 21:39
Hello ! Le thème pour les deux semaines à venir, en commun avec l'atelier dessin : HALLOWEEN/HORREUR !!! Bonne pratique à tou-te-s !

PS  : si des personnes veulent reprendre le train en cours et travailler sur des ateliers déjà passés, n'hésitez pas :3
Loup
Loup
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[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Mar 28 Jan - 11:17
Nouveau thème commun à compter du 27 Janvier 2020 :

LE RETOUR / LA RENAISSANCE

Bon courage et à vos crayons !
Jiji
Jiji
Messages : 22

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

Mar 5 Mai - 18:27
Thème de Mai : Ingrédients
Contenu sponsorisé

[EVENT] Atelier écriture Empty Re: [EVENT] Atelier écriture

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